Traduit et résumé avec permission de l’article : « Fat metabolism during exercise in patients with McArdle disease » par le Dr. Jean-Pierre Bachy et revu par le Dr. Pascal Laforêt.

INTRODUCTION

La maladie de McArdle est une glycogénose musculaire héréditaire récessive autosomique (type V) causée par des mutations dans le gène PYGM sur le chromosome 11 qui code pour la phosphorylase du glycogène musculaire.

Presque tous les génotypes provoquent une carence enzymatique complète, et donc un blocage complet de la dégradation du glycogène du muscle, ce qui limite sérieusement la capacité d’exercice anaérobique et aérobique chez les patients atteints de la maladie de McArdle.

Les patients ont des symptômes d’intolérance à l’effort ; la fatigue musculaire et l’exercice plus intense peut provoquer des crampes musculaires, des douleurs, une rhabdomyolyse et myoglobinurie, qui peuvent conduire à une insuffisance rénale aiguë. Environ 25% des patients développent une légère faiblesse musculaire proximale et plus tard une atrophie à l’âge adulte. À la suite du blocage dans la dégradation du glycogène et la faible disponibilité des combustibles extramusculaires, le métabolisme oxydatif est fortement limité dans les premières minutes d’exercice. Ainsi, la capacité d’effort maximale est seulement d’environ un quart à un tiers de la normale dans les 5 à 8 premières minutes d’exercice. Après cette première période d’exercice, les besoins en énergie du muscle sont normalement fournis par le glucose provenant de plus en plus de la glycogénolyse hépatique et de l’oxydation des acides gras (OAG). En conséquence, les patients avec la maladie de McArdle développent un second souffle après 6 à 8 minutes d’exercice, avec une baisse marquée de la perception de l’effort et du rythme cardiaque qui est imputable à une augmentation des capacités oxydatives due à l’accroissement de la combustion de combustibles extramusculaires. Ce phénomène de second souffle est pathognomonique de la maladie.

Nos études antérieures ont suggéré que l’augmentation de la mobilisation et de l’absorption de glucose est essentielle pour l’augmentation des capacités oxydatives dans le muscle qui sous-tend le phénomène de second souffle. De la bien connue réponse neurohormonale exagérée à l’exercice chez les patients atteints de la maladie de McArdle, il peut être prévu que la lipolyse et l’oxydation des graisses sont également renforcées, ce qui pourrait en partie compenser la glycogénolyse musculaire bloquée. À l’inverse, l’adage biochimique « les graisses brûlent dans le feu des glucides », suggère que les intermédiaires métaboliques de la glycolyse peuvent être nécessaires pour susciter l’oxydation des graisses en augmentant les niveaux des intermédiaires du cycle de l’acide tricarboxylique (CAT) pour atteindre un taux optimal d’oxydation des matières grasses. Le manque d’anaplérose à partir d’intermédiaires de la glycolyse chez les patients atteints de la maladie de McArdle pourrait potentiellement nuire à l’oxydation des graisses, même si en contraction les muscles sont en grand besoin d’énergie. L’oxydation des graisses au cours de l’exercice n’a jamais été étudiée dans la maladie de McArdle. Grâce à l’utilisation de la technique isotopique stable et de la calorimétrie indirecte, nous avons étudié l’utilisation et la mobilisation des lipides chez 11 patients atteints de la maladie de McArdle, et comparé les résultats avec 11 sujets sains appariés.

Glossaire

AGL : acides gras libre

CAT : acide tricarboxylique

IMC : indice de masse corporelle

OAG : oxydation des acides gras

DISCUSSION

Dans cette étude, nous avons étudié le métabolisme des graisses et la capacité oxydative chez les patients présentant la maladie de McArdle et comparé les résultats avec les conclusions chez les témoins sains. Les principaux résultats de notre étude sont les suivants :

1) Les patients atteints de la maladie de McArdle accroissent la mobilisation et l’oxydation des lipides plus que les sujets sains au cours de l’exercice.

2) Nous avons constaté une augmentation de l’oxydation des graisses avec le début du second souffle chez les patients atteints de la maladie de McArdle, suggérant que l’ OAG est une importante composante de l’augmentation des capacités oxydatives qui est responsable du second souffle.

3) Malgré l’augmentation des concentrations plasmatiques d’acides gras libres (AGL) lors de la poursuite de l’exercice, l’oxydation des acides gras (OAG) chez les patients n’a pas augmenté davantage après le second souffle.

4) Le taux plus élevé de lipolyse chez les patients atteints de la maladie de McArdle peut être causé par les réponses adréno sympathiques plus élevées.

L’oxydation de la graisse plus élevée chez les patients atteints de la maladie de McArdle peut même avoir été sous-estimée, parce que l’oxydation de la graisse est réduite chez les sujets obèses, et les patients de la maladie de McArdle avaient un indice de masse corporelle (IMC) supérieur aux contrôles sains. En outre, les patients avec la maladie de McArdle faisaient des efforts à une intensité plus élevée par rapport aux témoins sains, alors que la proportion d’oxydation des graisses diminue normalement en fonction de l’intensité relative de l’exercice.

Toutefois, la mobilisation accrue de la graisse des adipocytes et du glucose par le foie n’a pas pu compenser la glycogénolyse musculaire bloquée, comme cela est indiqué par la capacité oxydative faible et rythme cardiaque élevé. Des études antérieures ont montré un rôle clé pour le glucose dans la médiation du second souffle. Ainsi, le second souffle est associé à une augmentation de la disponibilité du glucose et de l’absorption du muscle au travail. Cette étude apporte des informations nouvelles : le début du second souffle n’est pas seulement associé à une forte progression de l’oxydation des glucides, mais aussi à un bond considérable dans l’oxydation des matières grasses. Cela soulève la possibilité que le rôle clé du glucose est de faciliter l’oxydation des lipides.

Chez les sujets sains, l’oxydation des graisses augmente en parallèle avec des concentrations croissantes d’AGL lors de l’exercice soutenu pour tenir compte de l’augmentation de l’oxydation des matières grasses et de la diminution de l’oxydation des glucides lors de la poursuite de l’exercice. Chez les patients atteints de la maladie de McArdle, nous avons trouvé que l’OAG a atteint un sommet dans les 10 à 15 premières minutes d’exercice, en dépit du fait que les taux de palmitate plasmatique et d’ AGL augmentaient tout au long des 40 minutes d’exercice. Cela indique que les patients avec la maladie de McArdle parviennent à l’OAG maximale dans les 15 premières minutes d’exercice, et que l’OAG n’était pas limitée par la disponibilité des AGL chez les patients présentant la maladie de McArdle. En outre, la fréquence cardiaque est restée constante au cours de l’exercice après le second souffle, ce qui indique que la capacité oxydative est resté inchangée.

Quelle est alors la cause responsable de la limitation de l’ OAG ? La mobilisation des acides gras à partir des réserves de graisse extramusculaire est efficace, et il n’y a aucune preuve que le transport et les mécanismes d’absorption des acides gras dans le muscle et les mitochondries sont dépréciés dans la maladie de McArdle. En outre, la mobilisation des acides gras à partir de pools triacylglycérol IM a également été comparable à celle des contrôles sains. L’accroissement de la disponibilité des acides gras au cours de l’exercice soutenu montre un goulot d’étranglement dans le métabolisme intermédiaire du muscle comme étant le facteur limitant pour l’ OAG. Cette limitation se trouve probablement dans le cycle de l’acide tricarboxylique (CAT), en raison d’une limitation dans la vitesse du CAT ou de la quantité des produits intermédiaires. Une glycolyse limitée lors de l’exercice produira inévitablement de faibles concentrations d’intermédiaires du CAT au cours l’exercice. Par conséquent, peu d’intermédiaires du CAT sont présents dans les muscles durant l’exercice chez les patients présentant la maladie de McArdle. La modification du métabolisme des acides aminés chez les patients porteurs de la maladie de McArdle est également à considérer. La production anormalement élevée d’ammoniaque, rapportée au cours de l’exercice ne peut pas s’expliquer uniquement par la réaction de myoadenylate désaminase, elle est probablement dérivée dans une large mesure de la désamination d’acides aminés. Parce que la production de pyruvate est faible chez les patients présentant la maladie McArdle, les acides aminés ont le plus probablement un rôle important dans l’activation de l’activité du CAT en produisant les intermédiaires du CAT – cétoglutarate à partir du glutamate, et en accélérant le taux de rotation du CAT en convertissant les acides aminés, tels que l’alanine, en pyruvate.

En conséquence, nous avons constaté que l’alanine plasmatique a été plus élevée au repos et pendant l’exercice chez les patients atteints de la maladie de McArdle versus les contrôles sains. Toutefois, l’accélération excessive du métabolisme de la chaîne des acides aminés ramifiés chez les patients atteints de la maladie de McArdle soulève l’hypothèse d’un drainage du 2-oxoglutarate dans la réaction primaire d’amino transférase, et donc d’une réduction dans le flux du CAT empêchant l’oxydation aérobie du glucose et des acides gras. L’exigence accrue de l’oxydation des lipides a été soutenue par un taux plus élevé de mobilisation des acides gras provenant des adipocytes (taux d’apparition du palmitate) et elle est le plus probablement provoquée par réponse adrénosympathique exagérée, étant donné qu’on a montré que les taux élevés de mobilisation du glucose le font. L’oxydation des glucides totaux a augmenté avec l’exercice mais elle était plus faible chez les patients atteints de la maladie de McArdle versus les contrôles sains, ce qui s’explique probablement par l’absence d’oxydation du glucose à partir de la dégradation du glycogène musculaire chez les patients. Cela signifie que les valeurs observées de l’oxydation des glucides chez les patients reflètent seulement l’oxydation du glucose à partir de la dégradation du glycogène hépatique et du glucose sanguin et, partant, indiquent un turnover du glucose et d’absorption plus élevés chez les patients atteints de la maladie de McArdle pour fournir le glucose supplémentaire utilisé par le muscle actif. Cela est conforme aux conclusions d’une étude inédite de patients atteints de la maladie de McArdle dans laquelle nous avons étudié le lactate et le turnover du glucose, sur la base des différences artérioveineuses dans une jambe à l’exercice. Contrairement aux muscles squelettiques, le muscle cardiaque a au moins 50% d’activité phosphorilase résiduelle due à la présence de l’isoforme de type cerveau de l’enzyme. Cela est suffisant pour maintenir des niveaux de pointe habituels de la glycolyse, et il est donc peu probable que le métabolisme des graisses cardiaques soit altéré dans la maladie de McArdle. En accord avec cela, les patients atteints de la maladie de McArdle ne signalent pas une augmentation de l’incidence de symptômes cardiaques par rapport aux sujets sains.

À l’heure actuelle, il n’existe aucun remède pour la maladie de McArdle. Nous espérons que la compréhension de la cinétique des ressources énergétiques dans la maladie de McArdle, facilitera les études sur de nouvelles options thérapeutiques pour cette maladie. Il est connu que la prise orale de glucose atténue les symptômes au début de l’exercice et que le glucose IV a un effet bénéfique plus prolongé sur la tolérance à l’effort de ces patients. On connaît peu de choses sur l’effet des changements dans la disponibilité des lipides sur la tolérance à l’exercice dans la maladie de McArdle et on ne sait pas si l’ OAG peut être encore augmenté. Renforcer la combustion des lipides par le jeûne a eu apparemment un effet bénéfique sur la performance physique chez les patients atteints de la maladie de McArdle et la perfusion de lipides a permis une amélioration de la tolérance à l’exercice chez les patients présentant un défaut de glycolyse du à un déficit en phophofructokinase. Toutefois, nos résultats montrant que l’OAG n’est pas spontanément augmentée durant l’exercice chez les patients atteints de la maladie de McArdle, même si la disponibilité des AGL est très élevé, font douter de la possibilité de la tolérance à l’effort d’augmenter la disponibilité des AGL par perfusion ou par un traitement par héparine chez les patients de la maladie de McArdle. Nos résultats, en accord avec nos précédentes conclusions d’un effet bénéfique de la supplémentation en glucose dans la maladie de McArdle, indiquent que des améliorations dans la tolérance à l’exercice par l’augmentation de la OAG dans la maladie de McArdle ne peut être réalisée qu’en augmentant le cycle du métabolisme des CAT avec de petits suppléments de glucose ou d’autres produits de la glycolyse.



NEW : dorénavant il est possible de détecter ou confirmer la maladie de McArdle par une analyse génétique.

Les 11 et 12 juillet 2014, un atelier de formation McArdle a eu lieu à l’université européenne de Madrid. L’AFG s’y trouvait représentée par Richard Beugné, mandaté en tant que référent McArdle par l’association.

Cet atelier était organisé par Euromac, projet européen ayant pour but de constituer un registre des patients atteints de la maladie de McArdle et d’autres formes de glycogénoses neuromusculaires rares, dont l’intolérance à l’exercice physique est le principal symptôme.

Le but de ce projet Euromac, qui regroupe 15 partenaires dont 7 pays de l’Union Européenne, la Turquie et les Etats-Unis, est d’améliorer le diagnostic et le traitement de la maladie à travers la mise en place d’un registre des personnes diagnostiquées. Ce travail a été confié à des chercheurs espagnols, du fait de leur précédente expérience avec le registre ayant permis de recenser 200 personnes atteintes en Espagne. L’analyse des données recueillies dans le registre est confiée à l’Université de Rigshospitalet au Danemark. La gestion des données et de la qualité est coordonnée par l’Université de Larissa, en Grèce. Un programme de formation et de diffusion visant à faire connaître la maladie de McArdle et les autres formes de glycogénoses musculaires rares est mené à bien par l’Association pour les Glycogénoses du Royaume-Uni et l’ « University College » de Londres. La gestion et la coordination du projet, visant à assurer le bon fonctionnement d’Euromac dans son ensemble, sont du ressort de l’Institut de recherche Vall d’Hebron à Barcelone.

La rencontre du 11 et 12 juillet regroupait la plupart de ces intervenants, mais aussi des soignants, des représentants d’associations de malades ainsi que des malades de différentes nationalités (Anglais, Néerlandais, Allemands, Espagnols, Français…). A travers des exposés et des échanges le 11 juillet et des tests physiques pendant le 12 juillet, le but de ces journées était de faire un point sur l’état des connaissances sur la maladie et de son « traitement », notamment par des programmes d’entraînement physique adaptés à chaque malade, en fonction de ces capacités et de son état général.

Les participants au week-end ( spécialistes, chercheurs, malades....)
Les participants au week-end ( spécialistes, chercheurs, malades….)

11 juillet : Exposés théoriques et échanges

Durant la première journée, les spécialistes de McArdle se sont succédé pour exposer l’avancée des connaissances et des recherches sur la maladie, en fonction de leurs différentes spécialités (diagnostic, suivi thérapeutique, psychologie, physiothérapie…).

L’introduction générale de cette rencontre scientifique a été assurée par Alejandro Lucia, de l’Université Européenne de Madrid, et Ros Quinlivan, spécialiste des maladies neuromusculaires à l’University college hospital de Londres. Il s’agissait de rappeler le contexte et l’organisation de cette journée, tout en soulignant la nécessité de ces rencontres afin de favoriser la mise en commun des travaux de différentes équipes, réparties dans le monde.

Ramon Martí, du Vall D’Institut de recherche Hebron, à Barcelone, et coordinateur EUROMAC, a ensuite pris la parole pour exposer le projet de registre Euromac déjà exposé ci-dessus.

Ce fut ensuite au tour de Ros Quinlivan de présenter une synthèse des recherches menées à l’University college London hospital où les personnes touchées par McArdle sont suivies au Royaume Uni. Elle a rappelé que la maladie de McArdle est une affection musculaire héréditaire, également connu sous le nom de Glycogénose de type V ou de carence en myophosphorylase. Les personnes atteintes ne possèdent pas la myophosphorylase, enzyme nécessaire pour convertir en glucose les hydrates de carbone stockés sous forme de glycogène dans les cellules musculaires. Cela se traduit par une importante pénurie d’énergie en début d’activité et dans toutes les activités intenses, ce qui entraîne douleurs, crampes, fatigue chronique. Si l’activité continue en présence de la douleur, il est possible qu’ait lieu une dégradation musculaire entraînant des complications (rhabdomyolyse, myoglobinurie) pouvant entraîner une insuffisance rénale aiguë, ou le syndrome des loges dans le ou les muscles touchés. La douleur qui apparaît pendant l’activité se résorbe généralement lorsque l’activité est arrêtée dès qu’apparaissent les symptômes.

Le diagnostic de la maladie se fait par différents tests préliminaires (test de l’ischémie par un garrot limitant l’apport en oxygène dans un muscle…). Il est aujourd’hui posé par une analyse de l’ADN. Environ 150 mutations différentes du gène PYGM sur le chromosome 11 ont été identifiées à ce jour. Un petit nombre d’entre elles sont très fréquentes. Une biopsie musculaire, anciennement utilisée pour réaliser le diagnostic, peut-être réalisée pour révéler l’absence de l’enzyme et le plus souvent un excès de glycogène dans les muscles. Un diagnostic précoce est d’une grande aide puisque les malades peuvent alors apprendre à gérer leur état et à faire des choix appropriés au sujet de leur mode de vie, de leur emploi et de l’intensité de leurs activités.

Il n’existe aucun remède pour la maladie de McArdle et, à ce jour, aucun traitement médicamenteux. Des essais de thérapigénie sont en cours sur des modèles animaux. Améliorer la condition physique par des exercices doux et réguliers, est généralement considéré comme le traitement le plus approprié. Le régime alimentaire est encore controversé ; certaines personnes semblent fonctionner mieux avec une quantité de glucides plus élevée, tandis que d’autres semblent fonctionner mieux avec une plus grande quantité de protéines dans leur alimentation. Une boisson sucrée avant une activité peut être bénéfique, mais on doit limiter cette pratique en raison des risques de prise de poids et du diabète.

La communication s’est poursuivie par l’intervention de Jatin Pattni, psychologue qui a travaillé sur aspects psychologiques de la maladie, et plus particulièrement sur le plan comportemental et les stratégies d’adaptation. A partir d’études effectuées sur un panel de malades, il apparaît que la douleur chronique se solde par un taux augmenté chez ces personnes de dépression et d’anxiété, de troubles du sommeil et de l’insomnie.

Deux stratégies de vie ont pu être constatées, stratégies opposées mais conduisant plus ou moins au même constat. Un certain nombre de patients, dès leur enfance, pratiquent une forme d’évitement. Constatant qu’ils sont limités dans leur effort, et ne cédant pas aux pressions dans le cadre social, éducatif ou familial, ils renoncent à l’exercice. Cette diminution de l’activité physique aboutit généralement à une prise de poids, une dégénérescence musculaire, une difficulté qui croît au fil des années à accomplir des efforts. D’autres patients, au contraire, face à leur incapacité à se comporter comme les autres, ont une attitude volontaire de dépassement qui les conduit à des efforts parfois importants. A long terme, ces efforts peuvent se solder par des dégradations et des douleurs chroniques. A l’examen de ces deux situations, il apparaît que le renoncement comme l’excès sont néfastes. L’important est d’apprendre à exercer et maintenir une activité modérée pour aboutir à un équilibre bénéfique aussi bien en termes de santé que de confort. Par ailleurs, l’incapacité pour les malades à se comporter « normalement », conduit à une incompréhension et un rejet de la part des autres, et à un repli sur soi, notamment pour ce qui est des activités accomplies en groupe.

La conférence s’est poursuivie par l’exposé d’Alejandro Lucia et Alfredo Santalla, de l’Université Européenne de Madrid, sur les études physiologiques accomplies sur des malades volontaires. Ces études ont montré qu’il est possible, par un entraînement ou un réentraînement régulier à l’exercice physique, d’améliorer les capacités des malades, ce qui serait bénéfique en termes de confort et d’atténuation des douleurs.

Enfin, le tour est venu pour John Vissing, du Rigshospitalet de Copenhague, d’exposer les résultats de la recherche dans la maladie et de troubles connexes McArdle. Il apparaît que les conséquences de la maladie sont différentes selon les malades, sans que l’on sache encore bien encore pourquoi. Certaines personnes sont limitées dans leur vie quotidienne, tandis que d’autres vivent leur condition comme un inconvénient mineur. L’état est légèrement évolutif. Chez les gens qui évitent de faire des activités et des exercices à cause des crampes et de la douleur un risque d’atrophie musculaire peut intervenir, ce qui peut entraîner d’autres problèmes de santé. Inversement, si les gens qui poussent trop loin leurs efforts en ne respectant pas suffisamment le signal d’alarme qu’est la douleur, des lésions musculaires peuvent se manifester à long terme et aller jusqu’à un certain handicap. D’autres problèmes médicaux, comme le diabète ou les maladies cardiaques, peuvent compliquer la situation, aggraver les symptômes et en rendre la gestion plus difficile. C’est le cas, par exemple, pour la prise en charge de la maladie coronarienne dont le traitement comporte des statines destinées à faire baisser le taux de mauvais cholestérol, mais qui implique une certaine dégradation musculaire (augmentation des CPK).

12 juillet : journée de tests

La deuxième journée a été consacrée à différents tests et exercices accomplis par des malades présents sous le contrôle de l’équipe espagnole composé d’un médecin et d’un clinicien rééducateur sportif. Test destiné à établir un diagnostic de l’état de chaque personne, dans le but d’établir un programme d’entraînement personnalisé.

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Épreuve de marche destinée à tester l’apparition du « Second souffle »

 

Un test de marche de 12 minutes a permis d’examiner chez un volontaire sa capacité à atteindre le second souffle, qui correspond au moment où l’organisme, incapable de décomposer le glycogène en glucose et ayant épuisé les ressources en énergie, va chercher d’autres ressources issues du glycogène hépatique ou par voie lipidique.

D’autres exercices sur vélo, effectués sous contrôle des capacités musculaire, respiratoires, cardiaques, étaient destinés à tracer les courbes d’effort spécifiques à chacun. C’est à partir de ces données que le clinicien peut établir des programmes spécifiques à chacun, applicables au quotidien

– toujours en veillant à concevoir des exercices variés, modérés, à accomplir sans souci de performance, toujours dans l’écoute de son propre corps.

Test sur un vélo pour établir un programme de réentrainement personnalisé à l'effort, à partir des performances du volontaire
Test sur un vélo pour établir un programme de réentrainement personnalisé à l’effort, à partir des performances du volontaire

Conclusion

Ce type de journée s’avère utile pour plusieurs raisons. Faire le point entre spécialistes sur l’état des connaissances de la maladie et contribuer à leur vulgarisation en direction des malades et des médecins généralistes, des kinésithérapeutes qui ont des patients à prendre en charge. Mais l’impact en reste limité du fait du peu de patients diagnostiqués et d’une relative indifférence à l’égard d’une maladie qui est souvent minimisée, y compris dans les centres spécialisés. De fait, il est important que les associations de malades, comme l’AFG, y prennent part pour relayer l’information et jouer un rôle moteur non négligeable dans la recherche, en relation avec les spécialistes des maladies neuromusculaires.

Richard BEUGNE



La maladie de McArdle est une des plus fréquentes myopathies d’origine métabolique. Due à l’absence de la phosphorylase musculaire, elle se manifeste par une intolérance à l’effort, avec myalgies et, le cas échéant, myoglobinurie. Elle est d’origine génétique et se transmet selon un mode autosomique récessif. Cliniquement, le phénomène dit de ‘second souffle’ survient 5 à 10 minutes après le début de tout exercice physique et permet de passer le cap des premières myalgies.

Deux articles distincts publiés en juin 2008 relatent les travaux d’une même équipe danoise à propos de deux approches possiblement thérapeutiques dans la maladie de McArdle. Dans le premier, les chercheurs ont établi, suite à un essai clinique conduit contre placebo chez 6 patients, que l’absorption de sucrose à la dose de 37 grammes 5 minutes avant l’exercice était plus efficace que la dose classique communément admise jusqu’ici de 75 grammes de sucrose 40 minutes avant l’exercice. Ce dernier dosage était en outre source de prise de poids et n’était pas très pratique pour les patients. Une deuxième étude clinique a comparé, chez 7 patients, deux types de régime, l’un riche en hydrates de carbone, l’autre en protéines. Le régime riche en hydrates de carbone s’est avéré plus efficace sur les capacités physiques et le niveau d’intolérance à l’effort. Ces observations mériteraient sans doute d’être confirmées sur un plus grand nombre mais sont déjà de nature à faire revoir les recommandations des cliniciens en matière diététique pour cette population de malades.

Références : Andersen et coll. Effect of oral sucrose shortly before exercise on work capacity in McArdle disease. Arch Neurol. 2008 Jun ;65(6):786-9.



Dans la maladie de McArdle (ou glycogénose de type V), les patients présentent un syndrome d’intolérance musculaire à l’effort avec des myalgies, des crampes ainsi qu’une fatigabilité musculaire. Il existe une grande hétérogénéité de formes cliniques. La rhabdomyolyse est une manifestation connue de la maladie de McArdle, observée chez 50% des patients après un exercice intense. Elle se complique d’insuffisance rénale aiguë dans un cas sur deux. Cependant, si l’atteinte musculaire est constante dans la maladie de McArdle, la survenue d’une rhabdomyolyse massive avec insuffi sance rénale aiguë est un mode de révélation plus rare.

Une observation particulière .L’observation d’une patiente de 20 ans, admise aux urgences pour céphalées brutales et douleurs musculaires apparues dans les suites immédiates d’un effort physique est rapportée. Dans les antécédents, on note l’existence d’une fatigabilité à l’effort depuis l’enfance et la présence d’urines foncées. A l’entrée, l’examen clinique montre un état hémodynamique normal et stable, aucun signe de déshydratation extra ou intracellulaire. Les urines sont de couleur rouge porto. Les résultats du bilan sanguin et de l’ionogramme urinaire conduisent au diagnostic d’insuffisance rénale aiguë organique à diurèse observée par nécrose tubulaire aiguë toxique (par myoglobinurie). A noter une élévation majeure des CPK à plus de 1 000 000 UI/l. La prise en charge consiste en une hyperhydratation par soluté isotonique (débit de 1000 ml par heure pendant 4 heures) associée à une alcalinisation par solution de bicarbonate de sodium 1,4% (1000 ml sur une heure). Le pH urinaire est maintenu à 7 sous traitement. L’évolution est favorable : en 10 jours, amélioration progressive de la fonction rénale. Le recours à l’épuration extrarénale (EER) n’a pas été nécessaire.La biopsie musculaire réalisée à distance montre une surcharge glycogénique entre les myofi brilles donnant un aspect vacuolaire et un déficit en phosphorylase : le diagnostic de McArdle est porté.

Des recommandations thérapeutiques. Une prise en charge rapide avec hyperhydratation et alcalinisation, le terrain (adulte jeune, pas d’atteinte rénale sous-jacente), l’absence de facteur aggravant (hypotension, sepsis, médicaments néphrotoxiques) expliquent, a priori, la rapide régression de l’atteinte rénale sans recours à l’EER et ce, malgré la valeur extrême de CPK. Le protocole thérapeutique insiste donc sur une hyperhydratation précoce à débit initial d’au moins 1l/heure (maintenir le poids jusqu’à 10 à 20% au-dessus du poids initial). L’alcalinisation (en fonction des perturbations du bilan phosphocalcique), à la phase initiale, permet de limiter l’obstruction tubulaire. Le pH urinaire doit impérativement être maintenu supérieur ou égal à 7.

A. Loupy et coll., La revue de médecine interne, 2007



La maladie de McArdle (ou glycogénose de type V) est une myopathie métabolique d’origine génétique qui se transmet sur le mode autosomique récessif. Elle est due au déficit d’une enzyme, la phosphorylase musculaire (ou myophosphorylase), empêchant la dégradation normale du glycogène (forme de stockage du sucre) en glucose (forme d’énergie utilisable par les cellules). Le glycogène stocké dans les muscles ne peut être transformé en glucose. Il se produit alors une insuffisance d’apport énergétique lors de l’effort musculaire et une accumulation de glycogène dans les muscles. Des mutations dans le gène PYGM (codant la myophosphoryase) sont responsables de cette pathologie. Cliniquement, la maladie de McArdle est caractérisée par une intolérance à l’exercice (fatigue, myalgie* et crampes) et une myoglobinurie** après effort physique intense.

Dans une étude publiée en octobre 2006, une équipe allemande a examiné les caractéristiques de la douleur chez 24 patients atteints de la maladie de McArdle. Les auteurs ont ensuite relié ces paramètres avec les caractéristiques psychosociales et les capacités à « faire face » (mesures de « coping »***) de chacun des patients étudiés. Sur les 24 patients, 23 se plaignent de douleurs : 15 d’une douleur intermittente provoquée par l’exercice et 8 de douleurs permanentes avec aggravation par l’exercice chez 7 d’entre eux.

Les patients souffrant de douleur permanente sont généralement des femmes. Cette douleur a un impact élevé sur leurs activités de la vie quotidienne, leur sommeil et leur fatigue. En outre, les patients avec douleur permanente présentent des scores plus élevés concernant de nombreux facteurs de risques psychosociaux (tels que l’évitement social) alors que les patients avec douleur intermittente ont une meilleure stratégie permettant de « faire face » à leur situation. Enfin, il n’y a pas de corrélation entre l’âge, la durée de la maladie, l’intensité de la douleur, le type de douleur (intermittente ou permanente) et le type de mutation.

Cette étude révèle que la douleur permanente est un symptôme majeur chez la majorité des personnes atteintes de la maladie de McArdle. Elle pourrait être utilisée comme critère pour former un sous-groupe clinique au sein de la maladie. Des facteurs génétiques liés au sexe et un mauvais « coping » pourraient favoriser le développement d’une douleur chronique.

* Myalgie : douleur musculaire

** La myoglobinurie est le passage de la myoglobine dans les urines, lui donnant une coloration foncée. Ceci se voit en cas de destruction du muscle qui libère la myoglobine (pigment permettant de transporter l’oxygène dans le muscle) dans la circulation sanguine.

*** Le terme « coping » fait référence à l’ensemble des processus qu’un individu interpose entre lui et un événement éprouvant, afin d’en maîtriser ou diminuer l’impact sur son bien-être physique et psychique. En effet, les individus ne subissent pas passivement les situations difficiles qui s’imposent à eux, mais interviennent constamment pour établir des conditions qui leur soient propices. Cette tentative de maîtrise poursuit deux buts essentiels : éliminer ou réduire les conditions environnementales stressantes, mais aussi le sentiment de détresse qu’elles induisent. Lazarus et Folkman définissent le « coping » comme l’ensemble des efforts cognitifs et comportementaux toujours changeants que déploie l’individu pour répondre à des demandes internes et/ou externes spécifiques, évaluées comme très fortes et dépassant ses ressources adaptatives

Références : Rommel et coll. Muscle pain in myophosphorylase deficiency (McArdle’s disease) : the role of gender, genotype, and pain-related coping. Pain. 2006 Oct ;124(3):295-304.


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